RICHARD-THOMSON LE MARGINAL

"LE MARGINAL" c'est un film avec Bebel, mais cela pourrait aussi coller à Richard-Thomson, tant son statut et sa façon de produire des films sont à part. 

Thomson est un garçon paradoxal. Lorsque je l'ai rencontré pour réaliser son interview, j'avoue que je m'attendais à trouver une sorte d'hurluberlu, un genre de Mocky plus jeune, un anarchiste, un révolté... Surprise, j'ai presque trouvé Thomson trop "clean". Il m'a reçu dans un bureau installé au sein d'un studio de TV, habillé à la BHL, confortablement installé dans un gros fauteuil de cuir. Pour un peu je me serais cru face à un producteur hollywoodien, il ne manquait plus que le cigare. Pourtant, Thomson est bien l'un des cinéastes français le plus atypique et marginal, à la fois amoureux du film de genre mais aussi très original par son approche du fantastique. Il a produit une dizaine de longs-métrages seul, hors du circuit classique et des tv, films qui n'ont connu que de modestes sorties VHS et des passages sur le câble à des heures tardives. Une sorte de Roger Corman anachronique, pratiquant un cinéma à mi-chemin entre le ciné d'exploitation des années 70 et le film d'auteur façon Cronenberg.  

A l'époque où j'ai découvert ses films, en 1994, je voyais Thomson comme un genre de Peter Jackson (version Bad Taste) ou de Lloyd Kaufman (papa de Troma). Puis, certaines de ses vidéos l'ont rapproché  d'un Mocky (les allusions sociales ou politiques, les personnages givrés). Son dernier film Bloody Flowers (dont j'ai pu découvrir quelques séquences) évoque plutôt David Lynch. Un virage à 180 degré? Aujourd'hui, il faut bien reconnaître que ce réalisateur est inclassable et renferme dans ses cartons des projets tous plus sidérants les uns que les autres.

Les sources d'inspiration

DE BENNY HILL A DAVID LYNCH...

Ce titre peut paraître surprenant, et pourtant, force est de constater que la filmo de Thomson est assez diverse et fait appel à des sources d'inspiration pour le moins variées. Dans les années 90, le sieur s'est fait connaître avec des parodies de films d'horreur: le film à sketches NIGHT OF VAMPYRMANIA, produit pour un budget approximatif de 8 francs 50, alternait les séquences gore (plutôt mal fichues) avec des gags à la Max Pecas... sans oublier des répliques évoquant les meilleurs Freddy Kruegger : on peut entendre un vampire déclarer fièrement "C'est ce qui s'appelle être prise la main dans le sac!" après avoir tranché à la hache la main d'une femme qui cherchait sa bombe lacrymo dans son sac à main. Parodie encore avec ATTACK OF SERIAL KILLERS FROM OUTER SPACE (rien que le titre!...) qui met en scène le super héros le plus ridicule de l'histoire du cinéma, vêtu d'un pyjama trop court et d'une cape rouge. Mais le grotesque est assumé, puisque là encore les gags et les bonnes répliques abondent ("rentrez chez vous, buvez une bonne tisane!" déclame le super-héros à une victime affolée). Parodie toujours avec ROBOFLASH WARRIORS et surtout l'excellent et hystérique JURASSIC TRASH, où des dinosaures en caoutchouc terrorisent une bande de ploucs et de bimbos dans un marécage. 

Le cas des deux TIME DEMON est différent. Si le premier opus comportait une bonne dose de gore, de sexe et de trash, la séquelle évoque plutôt un "TAXI" bessonien du pauvre. Sorti en 1995, TIME DEMON LES PRETRESSES DE L'ENFER est le film de Thomson le plus connu (ou le moins méconnu) puisque diffusé à la télé et chroniqué dans différents magazines. Tourné pour 35 000 francs, le film réunit un casting hétéroclite; des stars du X qui exposent généreusement leurs charmes poitrinaires (irrésistible Elodie Chérie et son accent de St Etienne...), des potes de Thomson du magazine Mad Movies (Jean-Pierre Putters, Damien Granger et d'autres), des "figures" du ciné fantastique français (Alain Robak, réalisateur de Baby Blood).... L'histoire d'une machine à remonter le temps, à dormir debout, n'est qu'un prétexte à une succession de séquences d'action plutôt bien foutues et des séquences comiques...sans oublier quelques effets gore bien craspec (coupage d'un sein, visages fondant sous l'effet d'une fumée maléfique, transformation...). Les clins d'oeil sont nombreux, notamment au cinéma italien, avec un érotisme saugrenu, des nazis odieux et grotesques, des bastons viriles... Inégal mais prometteur. En revanche, sa séquelle TIME DEMON 2, DANS LES GRIFFES DU SAMOURAI apparait plus "propre", avec moins de sexy et moins de gore. ce film évoque par moment un téléfilm français, à d'autres un film de Besson le budget en moins... Pour autant, sa vision est plaisante et on ne peut que saluer le savoir-faire de Thomson au regard du budget microscopique dont il disposait. Globalement bien interprété (à quelques exception près) et bien filmé, il souffre pourtant d'un positionnement pas très bien défini: trop violent pour être un téléfilm grand public, pas assez délirant pour devenir un film culte. On y trouve en revanche de nombreux clins d'oeil à l'un des films préférés de Thomson, Les Aventures de Jack Burton, de John Carpenter.

Le récent BLOODY FLOWERS (2008) est à mi-chemin entre plusieurs influences. Thomson cite Brian de Palma et David Lynch... on pourrait se dire que Thomson ne manque pas d'air, mais pourtant il est vrai que certaines séquences (la longue poursuite et la mort de la strip-teaseuse au début) évoquent les films de De Palma des années 80, mais aussi le giallo. D'autres extraits font penser à l'univers de Twin Peaks. Quant au scénario, il évoquerait plutôt Hostel et la mode du "torture-porn".

Mais il serait insuffisant de considérer le cinéaste Thomson uniquement sous l'angle de ses films réalisés, car il a écrit de nombreux scénarios jamais portés à l'écran. Lors de notre rencontre, Thomson s'est longuement attardé sur ces projets avortés ou toujours en attente de financement. CRASH TEST est l'histoire de deux chômeurs qui vendent leurs corps à la science pour survivre, avant de devenir totalement paranos et de se persuader qu'ils sont victimes d'un complot gouvernemental. Pour avoir pu emporter un exemplaire du scénario, je peux dire qu'il s'agit d'une excellente histoire, je trouve même incroyable que Thomson n'ait pas réussi à trouver le financement nécessaire. LA VERUE est un film qui, selon Thomson, a failli obtenir l'avance sur recettes du CNC. Il narre l'histoire d'un village provençal qui tombe aux mains d'une secte apocalyptique à l'occasion d'une élection municipale. Le village finit par proclamer son indépendance, encerclé par l'Armée qui finira par donner l'assaut. Ce film, qui pourrait évoquer un mauvais Mocky, est très bien écrit et franchement, je ne lui trouve aucune comparaison. 

Ce sont les deux seuls scénarii de Thomson que j'ai pu parcourir. Quant aux autres projets, Thomson m'a parlé d'un CARGO VAUDOU (des zombies infestent Marseille), d'un PSYCHO GIRL (des jeunes filles jouent à un jeu vidéo et finissent par devenir de vraies tueuses, si j'ai bien compris... ça m'a fait penser à ExistenZ...), et surtout LE CHEF, un film mêlant horreur, érotisme et gastronomie, un univers qui m'a évoqué là encore Cronenberg. Des projets vraiment alléchants, plutôt "sombres" et au final relativement différents de la filmo de Thomson que chacun connait. Enfin, quand je dis "chacun connait"...

SITES OFFICIELS de RJ THOMSON

 

 

www.rjthomson.com

 

 

 

 

www.jaguarundi.fr

 

 

 

SITES NON-OFFICIELS 

 

 

 

 

 

 

Site sur BLOODY FLOWERS : un site consacré au film inédit Bloody Flowers (site non officiel)